Qui est derrière Chadli Benjdid qui n’a récupéré son passeport qu’il y a un 8an et qui vit de sa modeste retraite à Oran ?
La question “qui tue qui ?” agace au plus haut point les généraux, mais étonnamment, dans El Watan, microphone du cabinet noir, l’éditorial non seulement épingle le manque de fermeté du président à l’égard de l’islamisme politique mais il pose une question autrement plus grave, comme sans s’en rendre compte. “Qui a tué qui, et pourquoi ?”. Bonne question, mieux formulée. Réponse toute simple, ceux qui ont tué détiennent et exercent toujours un pouvoir absolu, tuteurs politiques occultes, civils et militaires, mafieux ou terroristes. Et ils en ont assez de la volonté du président Bouteflika de "parler à tout bout de champ", à l’étranger ou en Algérie, ils en ont assez de ses contradictions et de ses incohérences, et l’ex-sémillant ministre des Affaires étrangères a son caractère, ses ficelles, ses “bons mots" et son humour. Gênant. Surtout quand la concorde civile remet en cause le règne sans partage de ceux qui veulent s’enrichir au détriment du peuple algérien. Chadli était mieux.
Manque de vigilance
Justement, Chadli Benjdid est sorti de son silence de 9 ans pour s’insurger contre l’évaluation officielle de ses années de présidence. Celui qui ne voulait pas annuler le deuxième tour des législatives dont le FIS avait profité dès le premier tour pour rafler près de 130 sièges. “Les sondages officiels et les autres rapports nous avaient trompés,“on “n’avait prévu le raz-de-marée du FIS au premier tour, en décembre 1991, mais j’étais confiant, je savais que le débat d’idées et la démocratie auraient gagné. J’ai refusé de cautionner l’annulation du deuxième tour ". On connaît la suite. On savait que les islamistes avaient profité d’un “manque de vigilance" de l’Etat pour investir “pacifiquement" le pays C’est donc ceux qui ont déposé Chadli qui ont pris la décision. Mais le problème que pose la saillie politique et médiatique est si complexe qu’il divise l’Algérie. Car déjà, à la mort du président Boumediene, les militaires algériens n’étaient pas parvenus à une décision unanime sur la désignation de son successeur. On peut dire que l’affrontement entre politiques et militaires, ceux de l’intérieur et ceux de l’extérieur est une intrusion cyclique du débat entre les Algériens. Une lutte féroce. Le président Bouteflika avait été écarté au profit de Chadli Benjdid, en 1991. Et Bouteflika n’avait pas besoin d’un Chadli regonflé, offensif sur son bilan et négatif sur le bilan de ceux qui l’ont suivi à ce poste, le chef de l’Etat actuel, pour commencer. Une réévaluation positive des 13 ans de présidence de Chadli Benjdid ne pouvait que déboucher sur une réévaluation en creux de la gestion “bouteflikienne" de l’Algérie et du terrorisme ou de l’argent, principalement. Qui est derrière Chadli qui n’a récupéré son passeport qu’il y a un an et qui vit de sa modeste retraite à Oran ?
Cet homme-là n’avait-il pas été désigné comme un président affairiste qui a permis à une néo-bourgeoisie sans états d’âme de piller le pays ? Qui a tripoté l’argent de l’Algérie, là est la véritable question que pose un pays riche où il y a 14 millions de pauvres. Le président Bouteflika n’a-t-il que des amis ? Ce serait étonnant : il a réussi à dresser contre lui les militaires, les partis, ceux de la coalition qui le soutient en premier, les deux chambres, les organisations des droits de l’Homme algériennes, la presse qu’il injurie régulièrement et les familles des victimes du terrorisme. Si l’on prend en compte le menu peuple qui vit dans la terreur qui reste-t-il ? Le peuple a fêté le souvenir de l’attentat contre le président Mohamed Boudiaf, un attentat qui n’a pas encore connu de version crédible car l’assassin n’avait pas agi seul.
Dans quel climat tout cela se passe-t-il ?
Souvenir de l’attentat
Le système économique et social a opéré une mutation depuis le début de la trêve unilatérale proclamée par le bras armé du FIS, l’Armée islamique du salut. Le processus n’a fait que s’accélérer avec la concorde civile mal conçue, mal appliquée mais surtout appliquée avec des arrière-pensées politiques précises. Est-ce pour cela que le président Bouteflika parle maintenant de Concorde nationale ? Une concorde nationale devait effectivement couronner une concorde civile qui aurait pacifié l’Algérie. Le mot concorde ne réussit pas au président algérien. Par contre, les “repentis" ne peuvent que se flatter de la situation. Une mutation s’est opérée. Les anciens tueurs disposent carrément d’émirats au sein de la république algérienne. Benaïcha, un boucher accompli, ex –émir, repenti lui aussi, l’un des chefs les plus célèbres des maquis de l’AIS dans l’ouest algérien, a même traîné au tribunal le directeur du quotidien arabophone El Khabar. L’opinion publique réprouve unanimement ce procès inadmissible, celui qu’un tueur impose à un journal.
La concorde civile a eu trois effets pervers : le retour du FIS, plus ou moins camouflé, avec des “repentis" pas repentants, la colère des familles des victimes, moins bien loties que les tueurs et surtout un agacement sensible de l’armée contre la mollesse de l’exécutif, entendez le président de la république. Un président de la république qui connaît ses limites et qui rencontre plus que des contraintes, les Algériens sachant parfaitement à quoi s’en tenir au sujet des élections présidentielles.
Le président civil est tenu de présenter constamment des bilans et des assurances face à des exigences " éradicatrices " liées à trop d’intérêts. Comment supporter que le président veuille réellement faire de l’Algérie “une maison de verre". Alors les visites des organisations de défense des droits de l’Homme ont fait grincer les dents des généraux.
Repentis pas repentants
Parce qu’ils craignent le travail de ses organisations, l’une d’elles ayant même demandé à parler aux généraux Larbi Belkheïr et Mohamed Lamari. Voilà que des rigolos veulent cuisiner les généraux en Algérie. Et pas n’importe lesquels. Belkheïr qui campa à El Mouradia, la résidence du président, et Mohamed Lamari, tout puissant général et acheteur en chef d’armement à l’étranger. Les organisations internationales ont des objectifs autonomes. Refus net algérien. Il est vrai que cette manière de dire au président qu’il ne peut pas imposer cela à ses parents politiques qui refusent qu’on fouille dans leurs affaires, guerre et argent, c’est sévère.
Alors pourquoi le Président Chadli a-t-il rompu un silence de 9 ans, effectuant ainsi une véritable rentrée politique et provoquant d’amples remous médiatiques?
L’echec de la concorde civile a enfanté quelques monstres. En effet, beaucoup de bouchers sanguinaires ont troqué le qamis contre le complet-veston et investissent dans l’import-export, le ciment, l’agriculture et l’immobilier. Les islamistes auraient-ils une part de pouvoir convenue dans des pourparlers secrets?