hostoire du colon a pontena dans le pays algerie par HOUARI KADDOUR
LES CONVOIS DE 1848 : 15000 Parisiens, Hommes, Femmes et enfants, partent en 17 convois vers l'Algérie.
Ces convois ont fasciné des centaines de généalogistes.. Nous avons tous rêvé de descendre d'une de ces familles, qui, un beau matin d'octobre, novembre ou décembre 1848, est montée dans une péniche amarrée au quai Saint Martin..
Pour ma part, moi, Suzette GRANGER, comme bien d'autres, je n'ai rien à voir avec ces convois.. J'ai retrouvé mes aïeux Salva, sur le chemin de l'émigration de l'Aude à Marseille, recevant des secours de route à Montpellier en avril 1855 et ce, grâce au travail de relevés de mes amis de l'association Amicale Généalogie Méditerranée...
Cependant, en 1998, un petit groupe de chercheurs gardois avait décidé de présenter dans une exposition du "Cent cinquantenaire", l'épopée de ces pionniers. Aucun d'entre nous ne descendait d'une famille des convois, et cela nous a peut-être donné une vision plus objective et plus rationnelle. Il y avait : Mesdames Dodo, Granger, Taillefer et Messieurs Curmi, Franzen et Linarès. Nous nous sommes tous régalés.
Mais nous avions eu d'illustres prédécesseurs : M. et Mme MARTIN-LARRAS, M. Maurice BEL entre autres..
Sur quoi avons-nous fait des recherches ?
* Les registres contenus aux AOM d'Aix en provence : cote F80 (1)
* Les illustrations et le récit du voyage de Vivant Beaucé : Illustrations de 1849 et 1850 (Médiathèque de Nîmes) (2)
* "Le Calvaire des Colons de 48" : Maxime Rasteil (A l'Aube de l'Algérie Française) 1930 Ed. Eugène Figuiere Paris, qui conte la vie d'Eugène François.
(1) Dans ces registres, on trouve trois sortes de documents :
- Des feuilles de noms parfois raturées et souvent difficilement lisibles, que nous avons imaginé être des feuilles d'appel à l'embarquement.
- Un registre de familles portant un numéro et qui correspond à ceux qui partaient.. du moins officiellement !.. Je précise cela parceque dans le livre de Maxime Rasteil, celui-ci a du s'inspirer de ce premier registre pour décrire la vie du 11ème convoi.. Or il s'avère qu'une bonne partie des personnages croqués n'a jamais débarqué à Bone (Annaba).. et cela se retrouve dans le registre suivant :
- Un registre établi en 1849 et qui décrit les familles installées : les autres membres de la famille arrivés plus tard, les personnes d'un autre convoi qui ont raté le bateau, ceux qui ne sont jamais arrivés etc..
Il nous a fallu souvent des trésors de patience pour noter les diverses orthographes, surtout celles des noms des épouses..
Nous avons relevé ainsi les 2ème, 4ème, 5ème et 11ème convois.
Devant l'engouement des visiteurs de nos stands nous avons ajouté à notre répertoire alphabétique, d'autres convois :
Le 10ème fourni par M.Warion, le 8ème relevé sur le livre de Mme Llorens "Médéa, Damiette et Lodi", et le 15ème remis par M. Langlois. Il est à noter que pour le dernier, nous n'avons pas le n°de la famille. Gérard Langlois avait un site fort bien fait, hébergé par citeweb, lequel a fermé. Pour de plus amples renseignements sur le 15ème convoi,
Comme tous mes travaux précédents, vous pouvez consulter la liste alphabétique de ces colons sur le fichier enregistré sous Excel 97 :
Depuis quelques mois, un de mes correspondants sur internet m'a envoyé la liste des colons de Ponteba. Ces colons venaient du 9ème convoi qui a construit les
villages autour de Ténès
LES MEDECINS DE L’ARMEE ET LES SOINS AUX COLONS EN ALGERIE (1848-1851)
Dans les premières décennies de la conquête en Algérie en 1830 se pose la question de la possibilité d’y installer une population européenne. La force avec laquelle les maladies déciment le corps expéditionnaire et les colons rend en effet cette implantation problématique, surtout au milieu du xixe siècle, quand la République, en 1848, organise la venue de 12 000 colons, qui viennent compléter une population rurale française d’environ 20 000 personnes.
Le contrôle sanitaire de ces nouveaux villages est essentiellement effectué par des médecins militaires. Ils sont les témoins de leurs difficiles débuts et notamment de la forte mortalité de populations urbaines peu habituées à leurs nouvelles conditions d’existence. Ces difficultés posent la question de l’acclimatement, diversement appréciée par les médecins. Les rapports des médecins de l’armée esquissent le paysage sanitaire en train de naître en Algérie. Y domine, particulièrement dans les campagnes, le médecin militaire, aux côtés duquel travaillent aussi des médecins civils, des sœurs de charité et des sages-femmes. Outre la mise en place d’un cadre matériel et humain, les rapports des officiers de santé précisent la manière dont les médecins organisent leur service médical, la fréquence des visites et la manière dont elles se déroulent, éclairant un pan de l’histoire de la médicalisation au xixe siècle
Les colons
Depuis quarante ans, le vocable "colon" regroupe tous les français rapatriés d'Algérie. Certains "historiens", parlent de vingt cinq mille colons à la richesse immense qui ont à eux seuls empêché l'émancipation des masse musulmanes. C'est leur donner beaucoup d'importance, car même s'il est vrai que certains étaient très riches et cramponnés à leurs intérêts, on ne peut croire sérieusement qu'ils aient pu s'opposer aux décisions gouvernementales, si elles avaient été prises et approuvées parlementairement. Qu'en est il réellement ?
"II y a en Algérie, sur 1 042409 non-Musulmans, exactement 19 400 colons au sens strict, c’est à dire des propriétaires terriens ou des agriculteurs dont 7 432 possèdent moins de dix hectares et sont de pauvres gens, à moins qu'ils ne soient des retraités, des commerçants, des fonctionnaires possédant un terrain qui ne les fait pas vivre. Des " vrais " colons, il y en a 12 000 environ, dont 300 sont riches et une dizaine excessivement riches."(Germaine Tillon, ethnologue communiste partisane de l'indépendance Algérienne)
Précisons quelques points sur la répartition des terres: 75 % des terres arables appartenaient à des Musulmans, dont 8 500 possédaient des exploitations supérieures à 200 hectares, allant même jusqu’à 20000 hectares chez les Sayah, dans l’Orléansvillois, tandis que 3 800 Européens étaient détenteurs d'un domaine équivalent. Les exploitations plus importantes, supérieures à 500 hectares, étaient entre les mains de 600 Musulmans et de 900 Européens.
Les colons ne représentaient donc environ que 7 % de la population européenne active. On utilisera la fortune de cette dizaine de richards pour établir l'amalgame ignoble Pieds-Noirs égal gros colon. On cite toujours en référence : Borgeaud, Blachette et Schiaffino même ci ce dernier n'était pas une fortune terrienne mais un armateur fortuné. Comme s'il n'y avait eu en France que de "pauvres paysans".
Ainsi donc pour les métropolitains, la spoliation de 1962 ne sera que justice. Un alibi de plus pour justifier l'abandon.
En premier lieu, le pays que découvraient les futurs colons se prêtait-il vraiment à la culture? Comment se présentait le sol qu'ils avaient à défricher? Sur les sols laissés sans culture depuis toujours, les rendements des premières années vont faire illusion puis ils diminueront progressivement jusqu'à l'arrivée massive des engrais. Le mythe de la fécondité remonte à Caton l'ancien qui avait impressionné le Sénat romain en lui montrant les figues magnifiques, rapportées de son voyage à Carthage.
Mais en fait, que vaut cette terre?
Tous ceux qui ont visité l'Algérois ont été frappés par la plaine de la Mitidja, joyau de la colonisation agricole. Sur la description de cette région, tous les contemporains de la conquête furent d'accord. "l'infecte Mitidja, foyer de maladies et de mort."(Duvivier). "un immense cloaque. Elle sera le tombeau de tous ceux qui oseront l'exploiter"(Berthézène). Un, en fait une description d'ensemble, qui est peut-être " après tout, nous dit le Pr Gautier, tout ce que nous avons de plus cohérent" : " La Mitidja est inculte: elle est couverte de marais et de marécages, dissimulés par une végétation palustre extrêmement vigoureuse: on y trouve çà et là des bouquets d'oliviers, des aloès, des figuiers de Barbarie et des lauriers-roses dans le lit des rivières et dans les ravins. C'est un maquis de broussailles serrées, épaisses, enchevêtrées, impénétrables, un fouillis d'herbes gigantesques, de pousses de fenouil au milieu desquelles on disparaît, de ronces, de genêts épineux, de palmiers nains, de joncs perfides tapissant les fonds mouvants dans lesquels on s'envase à ne pouvoir s'en dépêtrer. La plaine est sillonnée de sentiers impraticables, dans lesquels on ne peut s'ouvrir un passage qu'en mettant le feu aux broussailles qui les obstruent." (voyageur anonyme,cité par Trumelet et Rouire)
"Le territoire de Boufarik n'était qu'un marais tigré de forêts et de joncs impénétrables..., flaques d'eau croupissante..., mares..., ces eaux dormaient sur le sol en attendant que le soleil les bût... Des chaussées, des ponts en branchage jetés sur ces vases permettaient de circuler à travers les fondrières, lesquelles étaient semées d'îlots formés de maquis emmêlés et embroussaillés de lianes, de ronces..." (Général Trumelet)
Il est inutile d'accompagner de longs commentaires ces descriptions. On doit s'incliner devant le courage, l'audace et la volonté des hommes qui ont accepté le pari de triompher de la nature et qui l'ont gagné.
Le second point a trait aux conditions d'hygiène et de sécurité dans lesquelles travaillaient les colons. Si ces derniers avaient à lutter contre la nature, ils avaient aussi à souffrir du climat et des fièvres."les fièvres que l'on gagne à ce poste sont la terreur des troupes qui sont ici ". (Le duc de Rovigo en 1832). A Boufarik, on a enregistré en 1837 un décès pour dix habitants et en 1839 un décès pour cinq habitants. "En 1842, Boufarik était la localité la plus mortelle d'Algérie.. Bien que la paroisse eût changé de prêtres trois fois en un an, l'église était fermée; le juge de paix était mort; tout le personnel de l'administration civile et militaire avait dû être renouvelé et le chef de district, resté seul debout, avait été investi de toutes les fonctions par la mort ou la maladie de tous les titulaires." (Toussenel). C'est pourquoi la besogne qui prenait le plus de temps au commissaire civil était l'établissement des actes de décès. Ces sacrifices s'estompent rapidement. Aussi, avait-on dû déjà à l'époque, adjurer les fils de pionniers "de ne pas oublier que cette luxuriante végétation qui leur donne ses fruits et qui leur prête son ombre émerge d'un charnier, et que la terre qu'ils foulent recouvre des débris humains, les ossements d'une génération morte à la peine ou décimée par la fièvre et par le feu de l'ennemi". Quand ils échappent aux calamités naturelles, les petits colons doivent néanmoins continuer à se méfier des... hommes. Des usuriers d'abord pour qui ces ouvriers déclassés de la révolution industrielle constituent des proies faciles à qui on peut impunément imposer des taux de 24 %, voire de 36 %. Des voleurs ensuite qui pillent les récoltes sur pied. Des indigènes enfin qui harcèlent les propriétés, détruisent les ponts et rendent les communications aléatoires. Dès lors, le fusil est aussi indispensable au laboureur que sa charrue. Pour se ravitailler dans les villes, les colons partent en convois. Dans les villages, les habitants constituent des milices, édifient des enceintes qu'ils ferment le soir. La plupart de ces enceintes ne seront détruites qu'après 1914. Ces conditions d'existence forment des individus constamment sur la défensive, développent une mentalité d'assiégés. Oui, le feu de l'ennemi de surcroît, car la Mitidja grouillait d'ennemis à pied ou à cheval, les cruels cavaliers hadjutes. Chaque buisson pouvant. receler une embuscade, les colons devaient assumer eux-mêmes leur sécurité. Ils montent la garde : "Chaque jour voit son combat; chaque nuit a ses tueries, ses vols, ses incendies. Des jours sans repos, des nuits sans sommeil." Malgré ces précautions, entre 1835 et 1841, sur une population de 4 à 500 habitants, à Boufarik, on compte 38 personnes enlevées par les Arabes et 58 tuées: "Et les survivants ont tenu. Voilà le miracle." (E.-F. Gautier)
Peut-on ajouter que la discipline était rude? Les ouvriers parisiens qui débarquèrent en Algérie en 1848 furent répartis dans les centres où ils furent soumis à l'autorité d'un sous-directeur militaire, jouissant d'un pouvoir presque absolu. C'est ainsi que le capitaine du village de Saint-Cloud définissait son rôle: "Je concède des terrains, je paie les colons, je fais planter des arbres, j'achète des bœufs, je suis en un mot le souverain absolu de la commune. Je mets les gens en prison sans jugement, élargis les prisonniers lorsque cela me fait plaisir, propose l'expulsion des colons paresseux"
Dès le départ, le sous-directeur fait clairement comprendre à ces civils, qui sont montés sur les barricades, qu'ils sont à sa merci. A leur arrivée, on leur impose un matricule et un livret. On leur attribue trois baraques, sans planchers ni cloisons, ni cheminées, ni bancs, ni tables. Par indulgence, on offre une gamelle et une marmite à chaque famille. Chaque matin, le réveil se fait au clairon et, sans temps mort, les colons sont conduits militairement sur les concessions.
On avait promis aux arrivants une maison en maçonnerie. A Assi- Ben-Okba, ils trouvaient trois grandes baraques en bois, sans plancher, ni cloisons, ni cheminées, ni tables. Comme ustensiles de cuisine, une gamelle et une marmite distribuées à chaque famille. Levés au Son du clairon, les colons étaient. conduits militairement au travaIl. Il s'agissait pour chacun de construire sa maison et défricher son lot de terre.
A ces épreuves terribles, s'ajoute le fait que les concessionnaires, ouvriers d'art ou artisans, ne connaissent rien de la terre, certains ne distinguent pas l'orge du blé. Comble de malheur, l'aide militaire est suspendue à partir de juillet 1850, et les colons livrés à eux-mêmes. Comme chacun des colons d'Assi ben-Obka, G. Roger possède un jardin de 24 ares, un lot de culture de 2 hectares et une terre de 8 hectares envahie par les broussailles. C'est de cela qu'il doit désormais tirer sa subsistance: " Nous avions combattu en février et en juin 1848 pour obtenir le droit au travail. Eh bien! nous avons trouvé ici un bagne de travail. Ceux qui rêvaient en 1848 de devenir propriétaires sont désillusionnés, aigris. Victimes de l'industrialisation capitaliste de la France, prolétaires habitués plus au travail qu'au plaisir, ils sont armés contre l'adversité. "
Quelle terre! Assi-Ben-Okba est en Oranie; le sol est presque aussi ingrat que dans la Mitidja: " Partout s'étend, envahissante, une garrigue de chênes verts entremêlés de taches de maquis de thuyas et de brousses de palmiers nains... Le couvert végétal, difficile à traverser en dehors des pistes, cache un sol souvent maigre recouvrant le sous-sol calcaire désagrégé en pierraille ou en blocs qu'il faudra enlever pour cultiver. Il faudra aussi déchausser, à grands coups de pioche, les racines profondes et résistantes des palmiers nains..."
Malgré ces difficultés, ce labeur épuisant, les conditions d'hygiène très sommaires, ces colons sont parvenus à rendre fertile la terre concédée. Peut-on leur en vouloir d'avoir réussi au-delà de toute espérance? "La colonisation est un rêve", (Bresson administrateur civil en 1835.)
De 1842 à 1846, on dénombre 198 000 arrivées et 118 000 départs. Cette mobilité des émigrants tient aux conditions qu'ils trouvent en arrivant dans la colonie. Une fois accomplies les formalités administratives, c'est sur le terrain en effet que commencent les véritables épreuves. Souvent, les lots sont trop exigus pour être viables, et les compétences agricoles trop partielles pour espérer planter autre chose que des arbres de la liberté. Habitués aux températures clémentes de l'Europe, les hommes succombent aux parasites tropicaux et aux épidémies. En 1842, 90 des 300 habitants de Boufarik meurent de paludisme. La même année à Marengo, 250 émigrants sont décimés par le choléra. En 1849, à Mondovi, 250 personnes sont à leur tour victimes du paludisme. Dans des conditions de salubrité douteuses, les épidémies progressent sans obstacles. Les médicaments restent un luxe et quand, par malheur, la maladie se déclare, l'isolement rend problématiques les premiers soins. Dans le bled, les petits colons habitent des gourbis dans un premier temps puis des baraques en planches. Ces habitations domestiques ne sont pourtant pas toujours prioritaires. Souvent, la construction des cases où ils rangeront les précieux instruments de culture mobilise les premières énergies. Quand la terre se révèle stérile ou quand la maladie se propage, le colon malheureux laisse la place au suivant qui, héritant des premiers travaux, continue l'œuvre du précédent dans de moins pénibles conditions. Mais il lui faut à son tour consacrer des journées éprouvantes à creuser le puits, défricher à la hâte pour produire de maigres récoltes qui une fois vendues au marché voisin lui permettent tout juste de rembourser l'avance des usuriers, lesquels, en cas de non-paiement, n'hésitent pas à faire saisir la terre de leurs débiteurs. Quand la récolte est meilleure, le petit colon consacre ses plus-values dérisoires à l'extension de son lopin et se retrouve, quelques années plus tard, dans le même dénuement, possédant le même lit en fer, un seul costume et du linge mal tenu. L'équilibre de son exploitation est à ce point précaire qu'il est à la merci de sa propre santé. Le médecin ne passe dans son coin perdu qu'une fois par semaine et si les fièvres le surprennent entre-temps, il lui faudra se procurer la quinine nécessaire au village voisin. S'il meurt, ses voisins doivent construire son cercueil de leurs propres mains et, munis de ce colis macabre, attendre sur le bord du chemin, pendant de longues journées, l'hypothétique attelage qui le conduira au cimetière.
Assi ben-Obka où les concessions promises sont, "couvertes de chênes verts et de thuyas, asile de bêtes sauvages qui dévoreront nos premières récoltes " (G. Roger).
Dans ces villages perdus au milieu d'un environnement hostile, les colons ressemblent plus à des vagabonds qu'à des conquistadores, et l'Eldorado plus au bagne qu'à l'exil doré qu'on promettait aux audacieux. Beaucoup rechignent. Les femmes d'abord qui regrettent " l'humble garni parisien qui, à côté, ressemble à un château ", et certains hommes qui, découragés, se font rapatrier ou vont chercher un emploi problématique à Oran. La plupart pourtant s'accrochent, moins par conviction que par fatalisme. Comme ébéniste, G. Roger est affecté à la confection des portes et fenêtres pour les maisons individuelles. Dans les baraquements cependant, les conditions d'hygiène se détériorent, les maladies progressent. Le choléra enlève un quart de la population du village. Seul l'achèvement des maisons individuelles permettra, plus tard, de limiter les saignées.
A Assi ben-Obka,.d'octobre 1849 à février 1850, 9 colons abandonnent. En 1851, près de la moitié des colons sont morts ou partis. D'autres les remplacent. Ceux qui restent ne seront sauvés que par leur solidarité : ils se prêtent les bœufs pour former des attelages collectifs, organisent des tours de surveillance pour les troupeaux, regroupent les approvisionnements, se distribuent les jours de marché pour écouler les produits sur Oran. Grâce à cette entraide, ils font les premières vraies récoltes de blé et d'orge en 1852. En 1862, la surface cultivée a augmenté de 50 %. En 1878, le village comprend 72 maisons et 320 habitants. Mais cette réussite économique ne va pas sans sacrifices et, parfois, ces sacrifices touchent à l'essentiel: " La première génération de colons, néglige les études: il faut vivre, garder les troupeaux, aider les parents aux champs. Vous ne le comprenez pas aujourd'hui parce que vous êtes dans l'aisance, mais l'instruction est un luxe refusé aux pionniers et aux défricheurs." (G. Roger)
Malgré cela, les colons sont sortis de la misère, du chômage, du travail industriel et de l'incertitude des lendemains. Pour eux, le bled est désormais le seul horizon. " Pionniers de la mise en valeur, ouvriers de1848, sans capitaux, avec notre seule énergie, nous avons lutté contre le palmier nain aux profondes racines qui encombraient nos terrains cultivables, contre le paludisme, la nature ingrate, contre les sauterelles qui, souvent, atteignaient le littoral, contre notre inexpérience du pays et des hommes qui l'habitaient, contre l'isolement, contre les lenteurs d'une administration souvent peu paternelle. Ce qui a été réalisé n'a pu l'être que par l'effort continu et le sacrifice total des pionniers à l'œuvre dont leurs descendants profitent aujourd'hui". (G. Roger)
Fallait-il persévérer ? Les gens raisonnables disaient non. Un lot de rêveurs, d'instinctifs, répondaient: oui. La vie a donné raison aux instinctifs contre les gens sérieux. Les instinctifs se sont cramponnés malgré la terre hostile, un climat meurtrier, une insécurité de tous les instants. Ils se sont cramponnés tout comme les médecins, les ingénieurs, les militaires, les enseignants, les travailleurs qui, eux aussi, ont eu à connaître les mêmes difficultés, les mêmes dangers. Tous devraient mériter la gratitude de notre pays, alors que le dénigrement est aujourd'hui de règle pour toute œuvre qui sort du commun, dès lors qu'elle a été accomplie outre-mer.
La fable de l'ogre raciste et prévaricateur, s'appropriant sans vergogne, une terre de cocagne pour y jouir des privilèges de son rang, doit être reconsidérée. Les intérêts idéologiques doivent enfin, faire la place aux réalités historiques. Il y va de la mémoire d'un peuple.